Arbeit macht frei

Publié le par paquito

Pour un article de rentrée, tant attendu après deux mois de calme plat sur ce blog, je me devais de vous dénicher un naze de la semaine bien mastoc : eh bien, vous n'allez pas être déçus, vous allez voir, c'est du gros !
Ce triste sire a le don de s'incruster sur tous les plateaux de télé et de susciter moult commentaires affligés de l'intelligentsia parisienne à chaque fois qu'il pond une bouse. Mais cette fois-ci, ça bat tous les records.

Figurez-vous donc, alors que nous sommes en pleine rentrée littéraire, que le bouquin qui fait le plus parler de lui actuellement est un torchon putride intitulé "zéro faute", commis par le penseur de supermarché aka le roi du noeud pap ringard : l'unique et inégalé (heureusement) François de Closets.

Résumons le propos en quelques lignes pour ceux d'entre vous qui auraient passé les deux dernières semaines sur la planète Mars.
Le pauvre François, en dépit de sa grande intelligence (auto-proclamée) a toujours été une pine en orthographe et ça lui a causé plein de torts dans sa néanmoins brillante carrière, avec plein de zéros en dictée.
Mais c'est pas de sa faute, non ! Ni même de ses instits ! C'est de la faute à la vilaine langue française et surtout à tous les conservateurs qui défendent la grammaire et l'orthographe, et toutes ces conneries inutiles qui nous font suer. Parce que voyez-vous, elle est trop compliquée, la langue française. D'ailleurs, les bons en orthographe n'ont guère de mérite : ils ont un don, on pourrait dire, la mémoire visuelle, et brillent sans vraiment avoir eu besoin de travailler.

Enfin, brillaient, devrais-je dire, car le vent tourne et culture du SMS aidant, avec François, ça va chier dans le ventilo ! Et go ! un autodafé de Bled ! Et zou ! les Bescherelle pour caler les étagères ! Allez ! les petits Robert à la cheminée !

Voyez-vous, FDC est moderne, il a l'incroyable qualité de vivre en phase avec son époque et forcément, il rêve que le français s'écrive fonétikeman, pardon phonétiquement. Ce qui bien sûr, le libérerait, lui et tous les autres malheureux de notre beau pays, aliénés par les vilaines règles d'orthographe (d'ailleurs, on le sait, les règles c'est caca, ça restreint nos libertés et ça entrave les forces vives de la société, le droit du travail en tête).

Bon, ok, de Closets est nase conviendrez-vous aisément, mais pas de quoi en faire tout un fromage : paquito, si tu nous écris trois pages à chaque fois qu'un abruti publie une merde, on a pas fini !
Mais oui mais non ! FDC est nase, mais surtout, il est dangereux. Car sa thèse promeut le grand projet néolibéral de dévalorisation du savoir et de la culture qui est à l'oeuvre depuis une petite décennie, dirons-nous, et portée par nos dirigeants de la sphère politique (qui vous savez), médiatique (la chaîne des cerveaux disponibles pour la pub) et, bien sûr, économique.

Avec sa théorie à dix balles, FDC met un torrent au moulin de ceux qui nous rabâchent que la valeur suprême dans notre société, c'est le travail, que les intellectuels, et en premier les chercheurs et les enseignants, sont des parasites vivant sur le dos des pauvres artisans charcutiers qui se lèvent tous les matins à 5h pour pouvoir payer leurs impôts. La culture, la connaissance, c'est out ! ça prend la tête ! et en plus, c'est un facteur de discrimination pour celui kinenveu mais qui n'a pas eu la chance de faire des études dans les beaux quartiers.
Adieu la princesse de Clèves, adieu l'ascenseur social, adieu les cours d'histoire obligatoires jusqu'au bac, adieu la philo, adieu les profs, adieu france culture, adieu arte, adieu Frédéric Taddéi, adieu l'école publique, adieu les dictées et bienvenue à Hadopi.

Dans la société rêvée de François de Closets et du Medef, nous serons tous réduits à des agents producteurs et consommateurs, dont les qualités premières seront "l'employabilité" (néologisme chiraquien) et la "flexibilité", terme technocratique que l'on peut traduire en bon français par "docilité", pour une meilleure compréhension du lecteur.

Cette société vers laquelle nous tendons, nous la connaissons, nous l'avons tous vue à l'écran dans le film visionnaire "Matrix" : les humains sont physiquement asservis à une caste de robots qui pompent leur énergie pour s'alimenter, tels des vaches que l'on trait ou des pieds de tomate cultivés dans une serre. Pour que tout cela fonctionne sans heurts et que les hommes ne se révoltent pas, les machines ont réussi à leur donner l'illusion qu'ils vivent dans une société "normale" via la matrice, une illusion de monde harmonieux projetée dans leur cerveau.

Putain, ça déchire ! le nouvel iPhone, je le kiffe trop !


Vous me voyez venir : les robots, ce sont le Medef et le CAC 40, la matrice, c'est la société de consommation dans laquelle nous avons l'illusion d'être libre dès lors que nous pouvons nous payer (à crédit) la nouvelle Mégane, le nouveau iPhone, une semaine en club en Croatie et un jean Diesel délavé.

Alors chers amis, lesquels d'entre nous serons les Néo et les Morpheus ? Bon..., ok.
Alors, en attendant de débrancher la matrice, si on commençait par faire un autodafé des bouquins de François de Closets ?

 

Publié dans Le naze de la semaine

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